Metal Gear Solid 5 : l’apothéose manquée de Hideo Kojima

Image d'illustration. Metal Gear Solid 5Konami / PR-ADN
Pensé comme l’apothéose d’une saga, Metal Gear Solid 5: The Phantom Pain témoigne de l’écart entre la vision de Hideo Kojima et les exigences de Konami, laissant derrière lui un jeu à la fois brillant et fragmenté.
Tl;dr
- Metal Gear Solid 5: The Phantom Pain reste à ce jour une œuvre incomplète à cause d’une production chaotique.
- Les tensions entre Hideo Kojima et Konami ont conduit à des ruptures internes, à l’annulation de projets et à un développement sous pression.
- Malgré un accueil critique positif, Metal Gear Solid 5: The Phantom Pain montre des coupures narratives et des contenus supprimés, reflétant l’inachevé comme signature involontaire.
L’ambition contrariée d’un chef-d’œuvre
Dix ans après sa sortie, Metal Gear Solid 5: The Phantom Pain intrigue toujours autant par son statut d’œuvre incomplète. Prévu à l’origine comme l’apothéose du partenariat entre Hideo Kojima et l’éditeur japonais Konami, ce titre a connu une gestation chaotique, dont les séquelles se ressentent jusque dans sa narration hachée. À l’époque, le projet s’annonçait gigantesque : nouveau moteur graphique, passage à un monde ouvert, promesse de synergie avec le préquel Metal Gear Solid V: Ground Zeroes. L’engouement était tel que même un nouvel épisode de la licence Silent Hill, piloté par Hideo Kojima, avait été lancé parallèlement.
Derrière le rideau : tensions et ruptures
Mais au printemps 2015, tout bascule. Après une annonce officielle de sortie en septembre, la marque de fabrique « A Hideo Kojima Game » disparaît brutalement des jaquettes. Difficile de ne pas y voir l’expression d’une fracture profonde entre l’auteur-star et son employeur historique. Progressivement, des rumeurs persistantes émergent : réorganisation interne musclée chez Konami, réduction du statut des équipes à celui de prestataires externes, accès restreint à internet, surveillance accrue… Plus grave encore : l’annulation pure et simple du très attendu P.T. (Playable Teaser), qui ne laisse aucune chance à la renaissance de Silent Hills. L’atmosphère au sein du studio devient pesante ; on évoque des employés surveillés par caméras et isolés du monde extérieur.
L’inachevé comme signature involontaire ?
Malgré ces turbulences internes, le lancement de The Phantom Pain en septembre 2015 reçoit un accueil critique dithyrambique. Pourtant, impossible pour les joueurs avertis d’ignorer cette impression d’inabouti : récit abruptement interrompu, missions recyclées dans un second chapitre étrange… Certains éléments-clés furent tout simplement coupés au montage. Un exemple frappant : « Episode 51 », un niveau central sacrifié pour cause de délais imposés par l’éditeur – documenté dans une vidéo livrée avec l’édition collector.
Au fil des mois, la communauté a spéculé sur l’existence d’un mystérieux « Chapitre 3 » nommé « Paix », sur des mécaniques jamais implémentées ou encore sur des synergies entre préquel et opus principal qui ne verront jamais le jour. En réalité :
- L’histoire aurait dû offrir plus de densité narrative.
- Certaines fins alternatives restent introuvables.
- L’absence de Kojima pèse désormais sur la suite possible.
Quel futur pour Metal Gear ?
À présent que la saga appartient uniquement à Konami, beaucoup doutent qu’un éventuel Metal Gear Solid 6 puisse voir le jour sans le regard singulier de Kojima. Mais rien n’est gravé dans le marbre : éditeur et franchise semblent prêts pour une nouvelle page — même si le créateur originel affiche une volonté claire d’aller de l’avant.
En définitive, difficile de ne pas percevoir une ironie amère : ce jeu centré sur le thème du manque — la fameuse « douleur fantôme » — porte en lui-même cette blessure ouverte. Une conclusion imprévue mais terriblement éloquente sur les tourments créatifs modernes.
