La NASA s’est insurgée contre la stratégie publicitaire d’un film de science-fiction

Image d'illustration. 2012Columbia Pictures
Suite à une campagne virale trompeuse autour du film 2012, l'agence spatiale américaine a dénoncé les effets anxiogènes d’un marketing basé sur la peur.
Tl;dr
- Columbia Pictures a mené en 2009 une campagne virale trompeuse pour promouvoir 2012, avec un faux site annonçant la fin du monde.
- Cette stratégie a provoqué une vague de panique et alimenté des théories complotistes, allant jusqu’à inquiéter la NASA face à la détresse de jeunes.
- Malgré le succès du film, cette opération a soulevé de vives critiques sur les dérives éthiques du marketing basé sur la peur.
Une campagne virale qui sème la confusion
En 2009, la sortie du film catastrophe 2012, signé Roland Emmerich, a donné lieu à une stratégie marketing audacieuse, mais dont les répercussions ont rapidement inquiété au-delà de l’industrie du cinéma. À cette époque, les campagnes virales prenaient leur envol. Pour ce blockbuster aux accents apocalyptiques, Columbia Pictures a décidé de brouiller les pistes entre fiction et réalité, en misant sur un site factice baptisé Institute for Human Continuity. Ce dernier, conçu comme une véritable institution scientifique internationale, affirmait avec aplomb qu’il existait « 94% de chances que la Terre soit détruite en 2012 ». Impossible de manquer la référence : l’idée était de susciter l’angoisse et la curiosité autour d’un possible cataclysme.
L’emballement du public et ses conséquences inattendues
La mécanique du doute a vite dépassé son cadre promotionnel. Sur internet, des milliers de personnes se sont laissé piéger par l’apparence crédible du site, amplifiant sans discernement des théories conspirationnistes liées à la fin du monde. Très vite, la situation échappe à tout contrôle : certains internautes vont jusqu’à se demander s’il ne faudrait pas s’inscrire à une improbable « loterie » censée sauver quelques élus. Plus inquiétant encore, plusieurs médias, dont The Guardian, ont rapporté que l’anxiété générée a touché toutes les générations – y compris des enfants.
Dans ce contexte, un spécialiste de renom tente de reprendre la main : le docteur David Morrison, astronome au sein du Ames Research Center de la National Aeronautics and Space Administration (NASA), reçoit plus d’un millier de messages angoissés. Dans une interview à The Independent, il confie avoir été contacté par des adolescents affirmant vouloir se suicider face à une apocalypse imminente. Selon lui : « C’est de la pure fiction. Mais évidemment, certains prennent cela très au sérieux… Je pense que mentir sur internet pour effrayer les enfants afin de gagner de l’argent est moralement condamnable. »
L’éthique du marketing en question
Difficile d’affirmer que Columbia Pictures anticipait un tel emballement collectif ; sans doute croyait-il jouer sur le même registre qu’une énigme amusante lancée avant un film de super-héros. Pourtant, face au climat anxiogène suscité par cette opération promotionnelle, la frontière entre divertissement et désinformation apparaît dangereusement ténue.
Il faut tout de même souligner que, malgré – ou à cause – de cette campagne polémique, 2012 figure parmi les plus gros succès au box-office mondial cette année-là. La formule ? Un cocktail explosif entre suspense scénarisé et manipulation virale dont le prix fut lourd pour certains spectateurs sensibles.
Bilan et perspectives pour l’industrie cinématographique
À l’heure où les stratégies digitales redoublent d’inventivité pour créer le buzz autour des sorties en salles, cet épisode interroge sur la responsabilité éthique des studios. Jouer avec nos peurs collectives peut rapporter gros ; mais lorsque le divertissement franchit la ligne rouge et impacte psychologiquement une partie du public – notamment les plus jeunes –, il devient urgent d’en repenser les limites.
